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Isabelle Mimouni poursuit son travail sur Polytropiques

lundi 28 septembre 2015

ATELIER ÉCRITURE au lycée Chaptal, Saison 2

Nous voici engagés dans un nouveau projet :

L’idée :

Le romancier italien Alessandro Baricco, dans son roman Mr Gwyn (2015) présente un héros romancier qui prend publiquement la décision de cesser d'écrire, malgré les protestations de son agent. Il lui vient l'idée de réaliser des portraits littéraires rémunérés, à la manière d'un artiste peintre. Ses modèles doivent rester nus sans parler dans son atelier durant un très long temps de pose, car c'est ainsi selon lui qu'il pourra le mieux capturer leur individualité.
Malgré une idée intéressante et novatrice, le roman présente un défaut de taille : les portraits réalisés (qui sont dits se présenter sous la forme d'histoires fictives mais révélatrices à propos du modèle) ne sont pas livrés au lecteur.

Le projet :
Les séances de l’atelier de création littéraire seront destinées à la réalisation d'une série de portraits autour d'un personnage qu’on fera « poser ».
Le principe de série (comme chez Andy Warhol) est lié à la modernité en art, pour des raisons tant esthétiques (négation du caractère absolu de la beauté) que techniques (L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin). Il peut permettre ici de proposer une création collective. Pour le cas particulier du portrait, la série révèle différents points de vue.

L'atelier conjuguera création et analyse littéraire :
- pour ce qui est de l'analyse de portraits en littérature , elle donnera des pistes, éventuellement des modèles à imiter, pasticher, parodier.
- pour la partie créative, elle comportera une part d’écriture collaborative et une part d’écriture personnelle. La séance de prise de notes face à un modèle sera suivie d’une mise en commun des notes. Chacun produira ensuite un portrait en fonction d’un point de vue et d’un style propres. Ceci permettra d'opérer une diffraction des points de vue et de produire une série. Un système de rendus intermédiaires sera mis en place afin de se confronter aux critiques constructives des participants.

Nous aurons à faire face aux nombreuses questions que pose le portrait :
Doit-il être complaisant, comme souvent dans l'histoire du portrait en peinture?
Question de la censure, de l’auto censure.
Problème à poser de l'anonymat.
Réaliser un portrait n'est-il pas toujours y mêler un autoportrait (comme on l'observe chez Modiano)? Peut-on ne pas s'écrire soi-même?
Question, naturellement aussi, du support : devra-il n'être que littéraire, ou pourra-il comprendre aussi des représentations graphiques, des pistes sonores ou des vidéos?

Question de l'activité du modèle : comment révéler au mieux sa personnalité?
En lui proposant de lire un livre qu'il aime et a choisi, en lui demandant de se présenter, en conversant avec lui ou en le questionnant sur des sujets divers...?
La séance du 7 octobre sera partiellement consacrée au cadrage de la séance de pose.


Petite approche de la série en littérature :
L’Infraordinaire de George Perec présente un ensemble de 243 cartes postales.
Dans les cartes on retrouve sans cesse les mêmes thèmes : le temps, les coups de soleil, la nourriture. Il présente une réflexion sur la communication par carte postale. C’est une réflexion sociologique (Perec est sociologue). Dans les cartes, la communication est réduite à minima, certaines phrases sont des phrases nominales.
Les cartes présentent un idiolecte, c'est-à-dire le langage qui est propre à chacun. On peut considérer qu’il s’agit de micro-portraits. On peut observer les différences entre les rapports qu’entretiennent les personnes ainsi que les différents niveaux de langue.
Ce recueil est satirique : il tourne en dérision ce type de communication. On peut faire le rapprochement avec l’œuvre La Bruyère. La série provoque le rire, c’est le comique de répétition.
Il y a une vision tragique, pessimiste des vacances et une pauvreté de la communication. Les idées reçues sur les vacances d’été défilent toutes (Dictionnaire des idées reçues de Flaubert). Les différentes cartes dessinent une mosaïque dans laquelle les mêmes couleurs reviennent : rouge, jaune, bleu…
On est face à une critique de la convention de la carte postale : on envoie des cartes mais le contenu est vide, il n’y a pas de substance. Il y a beaucoup de plaintes d’inconvénients minimes : coups de soleil, prise de poids… qui dénoncent les préoccupations d’une classe privilégiée qui a accès aux vacances. On peut penser qu’il s’agit d’une critique de l’industrie du tourisme à travers les stéréotypes des vacances. 
La carte a une fonction phatique : elle ne sert pas à transmettre un message, mais juste à maintenir le contact entre le locuteur et le destinataire. A la fois elle est vide de sens et de mais en même temps c’est elle qui montre toute la puissance du lien humain.
La carte en elle-même, unique, fait plaisir. Mais l’accumulation, la série, détourne la fonction habituelle.


1 commentaire:

  1. Pour une série de portraits de dos : voir le travail d'Emmanuelle Chantre exposé en ce moment : https://lepavedorsay.wordpress.com/2015/08/24/exposition-emmanuelle-chantre-nuques/

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