Cadrage par Isabelle Mimouni
- Présentation
de la manière dont surgit l’idée et des contraintes auxquelles elle
répond : Comme pour le projet précédent réfléchir à partir de l’idée de
série pour concevoir une œuvre collective où chacun puisse conserver une
approche personnelle et un style qu’il définit.
En revanche, de la même façon aussi, il faut
qu’il y ait du sens à multiplier les points de vue. L’œuvre doit être
polyphonique mais aussi chorale, il doit y avoir des points de recoupement qui
surgiront et que le lecteur identifiera, ce qui permet aussi de construire une
approche de la vérité par le recoupement.
1°) Point de départ : une lecture Tentative d'Epuisement d’un lieu parisien, G. Perec
=> lecture aux élèves des premières pages.
Notes après la
première lecture :
Importance de
l’approche sociologique ->
description + prise en compte de micro-événements
Point de vue
« de l’endroit où je suis », ton neutre, pas de jugement ni d'émotion
Absence d’odeur, de
bruits qui induit une focalisation extrême sur le visuel, il est inondé par le
réel, on perçoit une sensation de vertige.
Possibilité de
percevoir un sentiment d’angoisse, de se sentir inondé par le réel ; mais
ça peut être fascinant de voir le grouillement de la vie.
Épuisement de
vouloir tout saisir : d’où les nombreuses pauses, il reprend son souffle.
Dans la création il y a un rythme pour écrire, un rythme qu’on choisit. Or,
ici, on est pris par le rythme que la vie nous impose, il faut accepter ce
rythme urbain.
Absence d'affection,
de sentiments, de jugement et
d'émotions. Il y a une impuissance chez l’écrivain, une perte dans son écriture
car il y a des choses qui passent et qu’il ne peut restituer.
Interrogation sur la sélection, le choix, la finalité : contempler ce
qu’il voit pour ce que c’est, sans jugement ?
Importance du
choix dans le travail de création :
Place Saint
Sulpice = un choix. Part de subjectivité, nécessairement.
Écriture « automatique »,
comme une prise de notes nécessite cependant des choix. Il ne s'inclut pas dans
la scène.
Dans cette
première approche du projet quelque chose s’offre à nous : cela permet
d’éviter l’angoisse de la page blanche ; la ville est une matière
inépuisable, qui augmente même avec le nombre d'élèves (pas de limitation du
nombre des participants à l’atelier).
2°) ensemble de
références croisées avec Perec
Passer de la
question de l’espace à celle du temps :
Roman
OPALKA : réflexion sur le temps
Il peint en
blanc sur fond noir des nombres qui représentent les traces irréversibles du
temps. 1972: c’est une révolution dans son travail, il ajoute 1 % de blanc dans
la peinture servant de fond, au fur et à
mesure. Blanc du fond = zinc, celui des nombres le titane.
Film La
Grande Bellezza, Paolo Sorrentino : un film sur la beauté est sur l’art
contemporain.
Extrait :
le personnage accompagne un jeune homme que son père a photographié chaque jour
depuis sa naissance. L’œuvre-performance est exposée dans un temple en rotonde.
Réflexion sur l’infinitésimal.
Rendre compte de l’impartialité du changement, que d’un jour à l’autre il
ne se passe rien. Ainsi, petit à petit, se construit la perception du
changement.
Discussion autour du projet :
Objectif :
travail sur l'espace ET sur le temps.
⁃ Aller à un endroit, recommencer l’expérience plusieurs
fois ? Logistiquement impossible
⁃ 1 élève par jour ?
- jouer sur la tentative d’épuisement , nous sommes les différents points
de vue.
Les deux
options :
1) On prend un jour et on y va tous
ensemble : pluralité des regards dans un même lieu , au même moment..
Regroupement des différents points de vue.
Si on retourne à St Sulpice, on observe que les choses ont changé :
introduction de la dimension temporelle + conjuguer les points de vue
géographiques
2) Si chacun y va un jour durant plusieurs
semaines, on a bien un jeu de temporalité mais on perd l’effet de groupe.
⁃ Pourquoi ne pas faire des brigades de 5 par
exemple ?
⁃ Il faut garder la logique du collectif pour l’observation,
c’est ce qui était plaisant dans le projet de l’année dernière. Mais faut-il
choisir un même endroit ? En changer ? => Place St-Sulpice n'est
plus si vivante...
⁃ L’aspect du groupe est important, mais la première proposition
induit une perte de la notion du temps. La référence à Pérec n’est pas forcément évidente pour un
lecteur non averti. Comment introduire
la comparaison avec Perec ? réponse : le livre est connu,
donc la référence sera gardée, ce n’est pas un problème.
⁃ C’est « dommage » que le travail sur
le temps ne soit pas considéré à sa juste valeur.
⁃ Le travail, en se rapprochant trop de Perec
n’aboutirait pas à une perte d’indépendance de liberté dans notre
travail ?
Proposition
éventuelle de Madame Mimouni : réfléchir sur la « mort » d’un
lieu ? Introduire l’idée de sclérose, voire de nécrose (voir Bruges-la morte de Rodenbach). Comment
un lieu devient un patrimoine, un patrimoine qui ne soit plus stimulant ?
Autre
proposition : réfléchir sur un lieu de mémoire = lieu à valeur et
fonctions collectives et sur lequel la Nation reconnaît une mémoire -> nous
touche émotionnellement. Bien distinguer lieu historique /lieu de mémoire (cf
les monuments aux morts)
La présence de
noms => dimension humaine. Empathie avec la jeunesse, principalement.
Possibilité :
Aller sur le lieu des attentats, rue de la Fontaine au Roi, un lieu qui est
en train de se constituer en lieu de mémoire (événement récent).
Actualisation du travail de Perec.
Ce lieu comporte une statue de
Grisette, caractéristique du XIXeme siècle, qu’on rencontre chez Balzac.
Pourtant les gens ne savent pas ce qu’est une grisette. Or la grisette est un
personnage historique. => historique mais ne constitue pas un lieu de mémoire,
+ peu de gens connaissent la signification de ce personnage/lieu commun.
La rue de la Fontaine
au roi est près du Canal Saint Martin dans un quartier vivant, et le Café La
Bonne Bière, près du fleuriste, a été touché lors des attentats du 13/11/2015 à
Paris. Pourtant la Mairie de Paris a décidé de gommer toutes les traces de cet
événement à cet endroit « afin de laisser le quartier retrouver sa
sérénité » : l’abondance de fleurs a disparu , les petites veilleuses
ont été jetées => nettoyage de la mémoire, comme si l’Histoire ne s’y
inscrivait pas.
En y allant, on inscrirait un rapport au temps. (Temps de la mémoire et de
l’émotion). MAIS peut-être est-ce trop lourd ? Car la jeunesse a été
touchée lors de ces événements.
Débat :
⁃ Choisir un autre lieu ? Rester dans la
logique de St Sulpice ?
⁃ Mais si on va à St Sulpice, ne tombons-nous pas
dans une imitation de Perec ?
⁃ (Anne) C’est une bonne idée de prendre le lieu
de la Bonne bière car nous avons tous été touchés par ces événements
⁃ (Victorine) ça serait une actualisation de
l’oeuvre de Perec
⁃ (Colombe) problème de la charge émotionnelle
⁃ (Tara) doit-on écrire avec le même style que
Perec ? Parce que le lieu de La Bonne Bière suscitera forcément de
l’émotion...
⁃ (Anne-Claire) C’est une émotion qu’il ne faut
pas atténuer car elle fait partie de la mémoire
⁃ (Ijjou) la charge d’émotion est intéressante à
étudier
Le lieu ne comporte plus de trace de l’événement. On peut faire
l’expérience en occultant totalement cet
événement puisque le lieu lui-même l’a expulsé. Ainsi, on pourrait par exemple
décrire le fleuriste à côté voire le Palais des glaces ou encore ce café sans
même indiquer ce qu’il s’est passé il y a un an. => l’émotion dans le texte
n’est donc pas obligatoire.
⁃ (Eleana) en prenant pour objet un lieu de
mémoire, la notion d’épuisement ne risque-t-elle pas d’être diminuée ?
⁃ (Théo) En ayant fixé le protocole comment
cadre-t-on cette émotion ?
⁃ (Clément) comment aboutir à autre chose que 40
fois la même chose ? (40 descriptions de La Bonne Bière)
- Est-ce qu’on reste à un endroit ou on se déplace ? Parcours
libre ?
⁃ (Colombe) charge émotionnelle : problème
de ne voir ce lieu que par le prisme de l’attentat.
⁃ (Théo) la description est un genre pluriel.
Un espace urbain= infinité de micro-évenements= plus de matière. Ce lieu
est très vivant et a différents points qui attirent le regard => pas de
risque de produire 40 fois le même texte.
⁃ (Théo) pas d’accord avec cette lassitude :
la distance a un impact : entre quelqu'un qui a vécu les attentats de près
ou qui habite près du lieu et le vit au quotidien face à quelqu'un qui l’a vécu
de loin, on n’a pas la même perception => 40 descriptions différentes
⁃ (Clément) risque que l’émotion l’emporte sur la
description.
Y aller par groupes de 5 à différents moments de la journée comme Monet
pour la Cathédrale remettrait dans le projet la question de la temporalité
ainsi le problème de la lassitude est résolue
Assigner un rôle à chacun(e) ? Assigner différentes méthodes
d'observation ?
Question de la temporalité : voir comment, un an après, un lieu de mémoire est ou non constitué en
lieu de mémoire.
Problématique sur ce qu’est un lieu de mémoire. Si rien dans l’espace ne
nous le dit, les textes vont se contredire.
La séance se conclut sur la nécessité de laisser un temps de maturation
pour laisser chacun se décider par rapport au projet.
La question du protocole d’observation sera l’objet d’une séance à part
entière.
Le blog est à la disposition de chacun pour déposer des commentaires.
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