ATELIER ÉCRITURE au lycée Chaptal, Saison 2
Nous voici engagés dans un nouveau projet :
L’idée :
Le romancier italien Alessandro Baricco, dans son roman Mr Gwyn (2015) présente un héros
romancier qui prend publiquement la décision de cesser d'écrire, malgré les
protestations de son agent. Il lui vient l'idée de réaliser des portraits
littéraires rémunérés, à la manière d'un artiste peintre. Ses modèles doivent
rester nus sans parler dans son atelier durant un très long temps de pose, car c'est ainsi selon
lui qu'il pourra le mieux capturer leur individualité.
Malgré une idée intéressante et novatrice, le roman présente un défaut
de taille : les portraits réalisés (qui sont dits se présenter sous la forme
d'histoires fictives mais révélatrices à propos du modèle) ne sont pas livrés au lecteur.
Le projet :
Les séances de l’atelier de création littéraire seront destinées à la
réalisation d'une série de portraits autour d'un personnage qu’on fera « poser ».
Le principe de série (comme chez Andy Warhol) est lié à la modernité en
art, pour des raisons tant esthétiques (négation du caractère absolu de la
beauté) que techniques (L'œuvre d'art
à l'époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin). Il peut
permettre ici de proposer une création collective. Pour le cas particulier du
portrait, la série révèle différents points de vue.
L'atelier conjuguera création et analyse littéraire :
- pour ce qui est de l'analyse de portraits en littérature , elle
donnera des pistes, éventuellement des modèles à imiter, pasticher, parodier.
- pour la partie créative, elle comportera une part d’écriture collaborative
et une part d’écriture personnelle. La séance de prise de notes face à un
modèle sera suivie d’une mise en commun des notes. Chacun produira ensuite un
portrait en fonction d’un point de vue et d’un style propres. Ceci permettra
d'opérer une diffraction des points de vue et de produire une série. Un système
de rendus intermédiaires sera mis en place afin de se confronter aux critiques
constructives des participants.
Nous aurons à faire face aux nombreuses questions que pose le portrait :
Doit-il être complaisant, comme souvent dans l'histoire du portrait en
peinture?
Question de la censure, de l’auto censure.
Problème à poser de l'anonymat.
Réaliser un portrait n'est-il pas toujours y mêler un autoportrait
(comme on l'observe chez Modiano)? Peut-on ne pas s'écrire soi-même?
Question, naturellement aussi, du support : devra-il n'être que
littéraire, ou pourra-il comprendre aussi des représentations graphiques, des
pistes sonores ou des vidéos?
Question de l'activité du modèle : comment révéler au mieux sa
personnalité?
En lui proposant de lire un livre qu'il aime et a choisi, en lui
demandant de se présenter, en conversant avec lui ou en le questionnant sur des
sujets divers...?
La
séance du 7 octobre sera partiellement consacrée au cadrage de la séance de
pose.
Petite approche de la
série en littérature :
L’Infraordinaire de
George Perec présente un ensemble de 243 cartes postales.
Dans les cartes on retrouve sans cesse les mêmes
thèmes : le temps, les coups de soleil, la nourriture. Il présente une
réflexion sur la communication par carte postale. C’est une réflexion
sociologique (Perec est sociologue). Dans les cartes, la communication est
réduite à minima, certaines phrases sont des phrases nominales.
Les cartes présentent un idiolecte, c'est-à-dire le langage
qui est propre à chacun. On peut considérer qu’il s’agit de micro-portraits. On
peut observer les différences entre les rapports qu’entretiennent les personnes
ainsi que les différents niveaux de langue.
Ce recueil est satirique : il tourne en dérision ce
type de communication. On peut faire le rapprochement avec l’œuvre La Bruyère.
La série provoque le rire, c’est le comique de répétition.
Il y a une vision tragique, pessimiste des vacances et une
pauvreté de la communication. Les idées reçues sur les vacances d’été défilent
toutes (Dictionnaire des idées reçues
de Flaubert). Les différentes cartes dessinent une mosaïque dans laquelle les mêmes
couleurs reviennent : rouge, jaune, bleu…
On est face à une critique de la convention de la carte
postale : on envoie des cartes mais le contenu est vide, il n’y a pas de
substance. Il y a beaucoup de plaintes d’inconvénients minimes : coups de
soleil, prise de poids… qui dénoncent les préoccupations d’une classe privilégiée
qui a accès aux vacances. On peut penser qu’il s’agit d’une critique de
l’industrie du tourisme à travers les stéréotypes des vacances.
La carte a une fonction phatique : elle ne sert pas à
transmettre un message, mais juste à maintenir le contact entre le locuteur et
le destinataire. A la fois elle est vide de sens et de mais en même
temps c’est elle qui montre toute la puissance du lien humain.
La carte en elle-même, unique, fait plaisir. Mais
l’accumulation, la série, détourne la fonction habituelle.
Pour une série de portraits de dos : voir le travail d'Emmanuelle Chantre exposé en ce moment : https://lepavedorsay.wordpress.com/2015/08/24/exposition-emmanuelle-chantre-nuques/
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