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Isabelle Mimouni poursuit son travail sur Polytropiques

dimanche 25 septembre 2016

    Cadrage par Isabelle Mimouni


-       Présentation de la manière dont surgit l’idée et des contraintes auxquelles elle répond : Comme pour le projet précédent réfléchir à partir de l’idée de série pour concevoir une œuvre collective où chacun puisse conserver une approche personnelle et un style qu’il définit.
En revanche, de la même façon aussi, il faut qu’il y ait du sens à multiplier les points de vue. L’œuvre doit être polyphonique mais aussi chorale, il doit y avoir des points de recoupement qui surgiront et que le lecteur identifiera, ce qui permet aussi de construire une approche de la vérité par le recoupement.
1°) Point de départ : une lecture Tentative d'Epuisement d’un lieu parisien, G. Perec
=> lecture aux élèves des premières pages.
Notes après la première lecture :

Importance de l’approche sociologique  -> description + prise en compte de  micro-événements
Point de vue « de l’endroit où je suis », ton neutre, pas de jugement ni d'émotion
Absence d’odeur, de bruits qui induit une focalisation extrême sur le visuel, il est inondé par le réel, on perçoit une sensation de vertige.
Possibilité de percevoir un sentiment d’angoisse, de se sentir inondé par le réel ; mais ça peut être fascinant de voir le grouillement de la vie.
Épuisement de vouloir tout saisir : d’où les nombreuses pauses, il reprend son souffle. Dans la création il y a un rythme pour écrire, un rythme qu’on choisit. Or, ici, on est pris par le rythme que la vie nous impose, il faut accepter ce rythme urbain.
Absence d'affection, de sentiments, de  jugement et d'émotions. Il y a une impuissance chez l’écrivain, une perte dans son écriture car il y a des choses qui passent et qu’il ne peut restituer.
Interrogation sur la sélection, le choix, la finalité : contempler ce qu’il voit pour ce que c’est, sans jugement ?
Importance du choix dans le travail de création :
Place Saint Sulpice = un choix. Part de subjectivité, nécessairement.
Écriture « automatique », comme une prise de notes nécessite cependant des choix. Il ne s'inclut pas dans la scène.

Dans cette première approche du projet quelque chose s’offre à nous : cela permet d’éviter l’angoisse de la page blanche ; la ville est une matière inépuisable, qui augmente même avec le nombre d'élèves (pas de limitation du nombre des participants à l’atelier).

2°) ensemble de références croisées avec Perec
Passer de la question de l’espace à celle du temps :

Roman OPALKA : réflexion sur le temps
Il peint en blanc sur fond noir des nombres qui représentent les traces irréversibles du temps. 1972: c’est une révolution dans son travail, il ajoute 1 % de blanc dans la peinture servant de fond,  au fur et à mesure. Blanc du fond = zinc, celui des nombres le titane.


Film La Grande Bellezza, Paolo Sorrentino :  un film sur la beauté est sur l’art contemporain.
Extrait : le personnage accompagne un jeune homme que son père a photographié chaque jour depuis sa naissance. L’œuvre-performance est exposée dans un temple en rotonde. Réflexion sur l’infinitésimal.
Rendre compte de l’impartialité du changement, que d’un jour à l’autre il ne se passe rien. Ainsi, petit à petit, se construit la perception du changement.

Discussion autour du projet :

Objectif : travail sur l'espace ET sur le temps.
   Aller à un endroit,  recommencer l’expérience plusieurs fois ? Logistiquement impossible
   1 élève par jour ?

- jouer sur la tentative d’épuisement , nous sommes les différents points de vue.

Les deux options :

1) On prend un jour et on y va tous ensemble : pluralité des regards dans un même lieu , au même moment.. Regroupement des différents points de vue.  Si on retourne à St Sulpice, on observe que les choses ont changé : introduction de la dimension temporelle + conjuguer les points de vue géographiques
2) Si chacun y va un jour durant plusieurs semaines, on a bien un jeu de temporalité mais on perd l’effet de groupe.

   Pourquoi ne pas faire des brigades de 5 par exemple ?
   Il faut garder la logique du collectif pour l’observation, c’est ce qui était plaisant dans le projet de l’année dernière. Mais faut-il choisir un même endroit ? En changer ? => Place St-Sulpice n'est plus si vivante...
   L’aspect du groupe  est important, mais la première proposition induit une perte de la notion du temps. La référence à  Pérec n’est pas forcément évidente pour un lecteur non averti. Comment introduire  la comparaison avec Perec  ? réponse : le livre est connu, donc la référence sera gardée, ce n’est pas un problème.
   C’est « dommage » que le travail sur le temps ne soit pas considéré à sa juste valeur.
   Le travail, en se rapprochant trop de Perec n’aboutirait pas à une perte d’indépendance de liberté dans notre travail ?

Proposition éventuelle de Madame Mimouni : réfléchir sur la « mort » d’un lieu ? Introduire l’idée de sclérose, voire de nécrose (voir Bruges-la morte de Rodenbach). Comment un lieu devient un patrimoine, un patrimoine qui ne soit plus stimulant ?
Autre proposition : réfléchir sur un lieu de mémoire = lieu à valeur et fonctions collectives et sur lequel la Nation reconnaît une mémoire -> nous touche émotionnellement. Bien distinguer lieu historique /lieu de mémoire (cf les monuments aux morts)
La présence de noms => dimension humaine. Empathie avec la jeunesse, principalement.

Possibilité :
Aller sur le lieu des attentats, rue de la Fontaine au Roi, un lieu qui est en train de se constituer en lieu de mémoire (événement récent). Actualisation du travail de Perec.
Ce lieu  comporte une statue de Grisette, caractéristique du XIXeme siècle, qu’on rencontre chez Balzac. Pourtant les gens ne savent pas ce qu’est une grisette. Or la grisette est un personnage historique. => historique mais ne constitue pas un lieu de mémoire, + peu de gens connaissent la signification de ce personnage/lieu commun.

La rue de la Fontaine au roi est près du Canal Saint Martin dans un quartier vivant, et le Café La Bonne Bière, près du fleuriste, a été touché lors des attentats du 13/11/2015 à Paris. Pourtant la Mairie de Paris a décidé de gommer toutes les traces de cet événement à cet endroit « afin de laisser le quartier retrouver sa sérénité » : l’abondance de fleurs a disparu , les petites veilleuses ont été jetées => nettoyage de la mémoire, comme si l’Histoire ne s’y inscrivait pas.

En y allant, on inscrirait un rapport au temps. (Temps de la mémoire et de l’émotion). MAIS peut-être est-ce trop lourd ? Car la jeunesse a été touchée lors de ces événements.

Débat :
   Choisir un autre lieu ? Rester dans la logique de St Sulpice ?
   Mais si on va à St Sulpice, ne tombons-nous pas dans une imitation de Perec ?
   (Anne) C’est une bonne idée de prendre le lieu de la Bonne bière car nous avons tous été touchés par ces événements
   (Victorine) ça serait une actualisation de l’oeuvre de Perec
   (Colombe) problème de la charge émotionnelle
   (Tara) doit-on écrire avec le même style que Perec ? Parce que le lieu de La Bonne Bière suscitera forcément de l’émotion...
   (Anne-Claire) C’est une émotion qu’il ne faut pas atténuer car elle fait partie de la mémoire
   (Ijjou) la charge d’émotion est intéressante à étudier

Le lieu ne comporte plus de trace de l’événement. On peut faire l’expérience en occultant  totalement cet événement puisque le lieu lui-même l’a expulsé. Ainsi, on pourrait par exemple décrire le fleuriste à côté voire le Palais des glaces ou encore ce café sans même indiquer ce qu’il s’est passé il y a un an. => l’émotion dans le texte n’est donc pas obligatoire.

   (Eleana) en prenant pour objet un lieu de mémoire, la notion d’épuisement ne risque-t-elle pas d’être diminuée ?
   (Théo) En ayant fixé le protocole comment cadre-t-on cette  émotion ?
   (Clément) comment aboutir à autre chose que 40 fois la même chose ? (40 descriptions de La Bonne Bière)

- Est-ce qu’on reste à un endroit ou on se déplace ? Parcours libre ?

   (Colombe) charge émotionnelle : problème de ne voir ce lieu que par le prisme de l’attentat.
   (Théo) la description est un genre pluriel.

Un espace urbain= infinité de micro-évenements= plus de matière. Ce lieu est très vivant et a différents points qui attirent le regard => pas de risque de produire 40 fois le même texte.

   (Théo) pas d’accord avec cette lassitude : la distance a un impact : entre quelqu'un qui a vécu les attentats de près ou qui habite près du lieu et le vit au quotidien face à quelqu'un qui l’a vécu de loin, on n’a pas la même perception => 40 descriptions différentes
   (Clément) risque que l’émotion l’emporte sur la description.

Y aller par groupes de 5 à différents moments de la journée comme Monet pour la Cathédrale remettrait dans le projet la question de la temporalité ainsi le problème de la lassitude est résolue
Assigner un rôle à chacun(e) ? Assigner différentes méthodes d'observation ?
Question de la temporalité : voir comment, un an après,  un lieu de mémoire est ou non constitué en lieu de mémoire.
Problématique sur ce qu’est un lieu de mémoire. Si rien dans l’espace ne nous le dit, les textes vont se contredire.


La séance se conclut sur la nécessité de laisser un temps de maturation pour laisser chacun se décider par rapport au projet.
La question du protocole d’observation sera l’objet d’une séance à part entière.

Le blog est à la disposition de chacun pour déposer des commentaires.


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